Kenny Dunkan, jeune talent du programme de mentorat 2021
Kenny Dunkan est un jeune artiste français d’origine guadeloupéenne, sélectionné par l’Américain Rashid Johnson pour former le duo « Mentor et Jeune Talent » de Reiffers Art Initiatives en 2021, donnant lieu à l’exposition « NO APOLOGIES ». En mai 2022, ses créations sont également présentées lors de la première exposition collective de Reiffers Art Initiatives, intitulée « DES CORPS LIBRES – Une jeune scène française ». Ancien résident de la Villa Médicis, ce plasticien est un caméléon insaisissable, qui a fait de son corps un média autant qu’un médium.
Biographie
Originaire de Guadeloupe, Kenny Dunkan puise régulièrement dans la culture visuelle des Caraïbes et en particulier celle des carnavals,
périodes de renversement des rôles sociaux, culturels et politiques, pour développer une œuvre qui interroge l’héritage colonial français et la persistance de ses modes de représentation. Pour cela, Kenny Dunkan part souvent de son propre corps noir qu’il met en scène via différents médiums, de la vidéo à la performance, en passant par la sculpture ou l’assemblage.
Diplômé de l’École nationale des arts décoratifs de Paris en 2014 avec les félicitations du jury, il a remporté le prix de l’ADAGP des Arts plastiques du Salon de Montrouge de 2015. De 2016 à 2017, Kenny Dunkan était résident à la Villa Médicis, Académie de France à Rome. L'artiste est représenté par la Galerie les Filles du Calvaire, Paris.
Textes
“Kenny Dunkan, KEEP GOING!” par Simon Njami
— Galerie Les Filles du Calvaire, 2021
“Le corps est un élément essentiel du dispositif. Comme une métaphore qui dirait des histoires que les mots ignorent, comme le dit Henri-Pierre Jeudy : ‘Les images du corps ne concernent pas le corps telle une entité isolée, elles adviennent simultanément comme images du monde. Et le langage ne permet d’organiser que des classifications arbitraires qui rendront le sens de l’interprétation toujours proche de l’illusion.’
Plutôt que d’être victime de cette fameuse illusion mentionnée par Jeudy, Dunkan préfère en user à son avantage, notamment dans les mises en scène de son propre corps dans une tentative assumée de casser les idées reçues et les visions sexuées du corps noir. Une tentative de déconstruction, de rejet de ces vêtements empruntés à l’histoire et à une forme de mépris pour exister selon ses propres règles et selon sa propre perception de soi. Qui dit perception de soi parle naturellement d’identité.”
Plutôt que d’être victime de cette fameuse illusion mentionnée par Jeudy, Dunkan préfère en user à son avantage, notamment dans les mises en scène de son propre corps dans une tentative assumée de casser les idées reçues et les visions sexuées du corps noir. Une tentative de déconstruction, de rejet de ces vêtements empruntés à l’histoire et à une forme de mépris pour exister selon ses propres règles et selon sa propre perception de soi. Qui dit perception de soi parle naturellement d’identité.”
“Comment l’artiste Kenny Dunkan renverse la vision du corps noir” par Matthieu Jacquet
— Numéro art, 2021
“Dès l’enfance, Kenny Dunkan développe une passion pour le design qui croise son affinité naturelle pour le bricolage et la réutilisation de matériaux pauvres avec son enthousiasme devant l’univers du luxe, les pièces iconiques de Philippe Starck ou de George Nelson et leur puissance symbolique véhiculée par les magazines. Naturellement, son regard émerveillé se tourne vers Paris, où le Guadeloupéen s’installe pour étudier les arts appliqués avant de rejoindre l’École des Arts décoratifs. Après des débuts dans la scénographie, le travail de l’étudiant se déplace très vite vers l’objet à taille plus réduite et ses détails lorsqu’il commence à créer des parures aux airs de cottes de maille faites d’écrous et de colliers de serrage : l’artiste y évoque en filigrane des costumes sacrés et des rites mystiques des Caraïbes, que ses composantes inhabituelles ancrent désormais dans un présent incertain. Si leur réalisation témoigne du goût du trentenaire pour le savoir-faire, on perçoit également derrière leur précision les stigmates d’un passé colonial et les reliques amoncelées d’une surproduction délétère, autant d’éléments constitutifs d’un imaginaire nourri par une mémoire matérielle et spirituelle vivace.”
“Les carnavals intimes de Kenny Dunkan” par Gilles Renault
— Libération, 2021
“Passé par les Arts appliqués et les Arts-Déco, sélectionné en 2015 par la ruche prospective de l’art contemporain qu’est le Salon de Montrouge et résident l’année suivante de la Villa Médicis, l’artiste s’était illustré voici sept ans avec la performance filmée ‘Udrivinmecraz’ – où il dansait face à la tour Eiffel affublé d’une veste brodée avec 2500 porte-clés à l’effigie du monument. (…)
Parisien depuis qu’il a atteint la majorité, le trentenaire est en effet né en Guadeloupe. Un territoire qui, communément perçu depuis la métropole comme une villégiature bercée par les alizés, n’en garde pas moins ces stigmates de la colonisation et de l’esclavage (…) Kenny Dunkan puise dans son propre vécu une inspiration débridée, aussi bien marquée par les archétypes à la fois festifs et contestataires d’un carnaval qui, ‘à défaut de centre d’art ou de musée’, lui procure ses premières émotions esthétiques, que par ‘une éducation à la fois matriarcale et insulaire’, où une ‘vision déformée du monde’ incite à se protéger de l’extérieur, perçu comme source de danger permanent. A fortiori quand la sphère domestique ressasse les vannes racistes jadis encaissées par un oncle à l’armée. Ou le ‘mythe fondateur’ du viol d’une arrière-grand-mère, employée de la plantation, qui échoua dans la couche du maître. Ce trauma immanent explose aujourd’hui dans deux confessions, imprimées sur de grandes bâches plastifiées, posées par terre, que l’on imaginerait extraites d’un roman, alors qu’elles revêtent un caractère autobiographique : ‘Mon frère et moi étions persuadés que ma mère avait échoué en épousant un Noir. Nous la condamnions ouvertement, la tenant pour responsable de notre apparence disgracieuse.’ Suivi de : ‘Enfant, j’avais l’habitude de prendre des douches interminables au cours desquelles je frottais frénétiquement mon corps avec une brosse à nettoyer le sol. Les poils durs me faisaient un mal fou.’”
Parisien depuis qu’il a atteint la majorité, le trentenaire est en effet né en Guadeloupe. Un territoire qui, communément perçu depuis la métropole comme une villégiature bercée par les alizés, n’en garde pas moins ces stigmates de la colonisation et de l’esclavage (…) Kenny Dunkan puise dans son propre vécu une inspiration débridée, aussi bien marquée par les archétypes à la fois festifs et contestataires d’un carnaval qui, ‘à défaut de centre d’art ou de musée’, lui procure ses premières émotions esthétiques, que par ‘une éducation à la fois matriarcale et insulaire’, où une ‘vision déformée du monde’ incite à se protéger de l’extérieur, perçu comme source de danger permanent. A fortiori quand la sphère domestique ressasse les vannes racistes jadis encaissées par un oncle à l’armée. Ou le ‘mythe fondateur’ du viol d’une arrière-grand-mère, employée de la plantation, qui échoua dans la couche du maître. Ce trauma immanent explose aujourd’hui dans deux confessions, imprimées sur de grandes bâches plastifiées, posées par terre, que l’on imaginerait extraites d’un roman, alors qu’elles revêtent un caractère autobiographique : ‘Mon frère et moi étions persuadés que ma mère avait échoué en épousant un Noir. Nous la condamnions ouvertement, la tenant pour responsable de notre apparence disgracieuse.’ Suivi de : ‘Enfant, j’avais l’habitude de prendre des douches interminables au cours desquelles je frottais frénétiquement mon corps avec une brosse à nettoyer le sol. Les poils durs me faisaient un mal fou.’”
“L’univers intime du plasticien Kenny Dunkan dans le podcast L’Oreille est hardie” par Patrice Elie Dit Cosaque
— France Info, 2021
“Dans l’exposition ‘Keep Going!’, le plasticien guadeloupéen Kenny Dunkan montre toute sa personnalité et son goût prononcé pour les collections et les associations d’objets. Une fusion des genres qui compose sa vision singulière, profondément inspirée du monde créole.
‘Il a su créer son propre univers.’ Bien souvent, on peut lire cette phrase à propos d’un artiste pour évoquer la singularité de son œuvre (et parfois, elle est employée quand on ne sait pas quoi dire de l’artiste ou de son œuvre !). Rien de galvaudé quand il s’agit de Kenny Dunkan. Son travail, ses installations (...) accrochent immanquablement le regard. Les contraires font symbiose, les couleurs explosent, les douleurs s’exposent aussi à travers son art, à travers cette singularité qui fait sa patte : la mixité, la diversité, le mélange des genres comme on dit. Chez Kenny Dunkan, vous trouvez de la photo, de la vidéo, de la peinture, de la sculpture, de l’assemblage d’objets, du collage, de la superposition, des objets en suspension… Bref, un carnaval d’inspirations se bouscule dans la tête du jeune homme avec en point de mire, une volonté de faire syncrétisme de tout ce foisonnement.”
‘Il a su créer son propre univers.’ Bien souvent, on peut lire cette phrase à propos d’un artiste pour évoquer la singularité de son œuvre (et parfois, elle est employée quand on ne sait pas quoi dire de l’artiste ou de son œuvre !). Rien de galvaudé quand il s’agit de Kenny Dunkan. Son travail, ses installations (...) accrochent immanquablement le regard. Les contraires font symbiose, les couleurs explosent, les douleurs s’exposent aussi à travers son art, à travers cette singularité qui fait sa patte : la mixité, la diversité, le mélange des genres comme on dit. Chez Kenny Dunkan, vous trouvez de la photo, de la vidéo, de la peinture, de la sculpture, de l’assemblage d’objets, du collage, de la superposition, des objets en suspension… Bref, un carnaval d’inspirations se bouscule dans la tête du jeune homme avec en point de mire, une volonté de faire syncrétisme de tout ce foisonnement.”
“Kenny Dunkan” par Pap Ndiaye
— Le Centre ne peut tenir, 2018
“Kenny Dunkan propose ici une réponse toute personnelle à cette question qui occupe créateurs et intellectuels depuis la fin du XIXe siècle, lorsque W.E.B. Du Bois entama son œuvre majeure sur l’identité noire. Car sa proposition n’est pas tombée du ciel. Elle s’inscrit dans une histoire, ces œuvres ont une histoire, on pourrait dire qu’elles sont une histoire, qui est celle de la manière dont les corps noirs, dont on voulait faire honte, sont devenus des objets de fierté, des objets politiques, grâce à la littérature, aux arts du vivant, aux arts plastiques. Avec ‘Transfert 1, 2 et 3’, ‘Dual Conditioning System. Lotta Body Set and Twist’ et ‘Mas-A-Pwoteksyon’, le travail de Kenny Dunkan pose d’emblée la question de la représentation des corps, de leur présence physique dans l’espace, et aussi de leur trace. De leur couleur enfin, ce qui n’est pas fréquent dans la création contemporaine française.”